Perception des couleurs

L’œil est un organe extrêmement complexe, fruit d’une très longue évolution. C’est lui qui nous permet de “voir” le monde en couleur et de percevoir des milliers de couleurs. Mais comment le fait-il ? Qu’est-ce que la couleur et combien l’œil peut percevoir de couleurs différentes ? Pourquoi et quand parle-t-on de gamma ? Comment la représenter numériquement ?

La lumière est une onde électromagnétique et sa couleur dépend de sa longueur d’onde. Comme toutes les ondes, elle possède une infinité de longueurs d’onde différentes qui lui donnent justement sa “couleur” lorsque l’on parle des couleurs visibles par l’homme. Quand les longueurs d’ondes sont courtes – vers 380 nm – nous les percevons comme du bleu-violet et quand elles sont plus longues – vers 700 nm – nous les percevons comme rouge. L’ensemble des ondes visibles s’appelle le spectre de la lumière visible. Au-delà du spectre visible pour l’homme se trouvent du côté des ondes encore plus courtes les rayons ultraviolets, rayons X et autres rayons gamma et du côté des ondes plus longues, les infrarouges puis les ondes radios. On obtient traditionnellement un spectre de la lumière du soleil si on la fait passer à travers un prisme ou encore à travers des gouttelettes d’eau. Cela crée un arc-en-ciel dans certaines conditions météorologiques où l’on perçoit l’ensemble des couleurs ci-dessous.

L’œil humain et la lumière

Le fond de l’œil humain – la rétine – est tapissé de cellules sensibles à la lumière mais avec des propriétés singulières.
Sensibilité spectrale des trois grandes catégories de cônes humains
Une image est formée par la cornée (qui est transparente sauf quand on vieillit) et projetée au fond de l’œil, sur la rétine. Celle-ci est littéralement tapissée de cellules nerveuses – les photorécepteurs – sensibles à la lumière en quantité – la clarté – grâce aux bâtonnets, mais aussi en qualité – les couleurs – grâce aux cônes. Les cônes (eux seuls capables de percevoir les couleurs) ne sont pas tous sensibles à la couleur de la lumière de la même façon et possède une singularité marquante. En effet, certains cônes sont principalement sensibles dans le rouge, d’autres dans le vert et enfin les derniers dans le bleu.

Il n’existe pas au fond de notre œil un type de cône par couleur. Les couleurs sont bien “reconstituées” et “perçues” dans le cerveau grâce au “mélange” de la perception de la lumière principalement bleue, verte et rouge (jaune si on regarde bien le diagramme ci-dessous). Notons au passage que les cônes “bleus” sont vraiment centrés sur le bleu, les cônes “verts” le sont vraiment sur le vert mais les soi-disant cônes “rouges” sont davantage centrés sur le jaune. Notez enfin que les cônes “verts” et “rouges” perçoivent de nombreuses couleurs communes.

L’œil voit toutes les couleurs du spectre visible, du violet au rouge de manière continu donc c’est par le mélange de ces trois “couleurs” que le cerveau est capable de “fabriquer”, de reconstituer, donc de percevoir toutes les “autres” couleurs. Voilà pourquoi on a inventé un modèle couleur RVB : pour nous rapprocher du fonctionnement de l’œil humain. Ainsi, les écrans ou les capteurs des APN possèdent des pixels Rouge-Vert-Bleu ou RVB et ne voit qu’en RVB ! Ils se rapprochent du fonctionnement l’œil humain grâce à trois “types” de pixels. Il suffit pour l’écran d’allumer plus ou moins chaque pixel de l’écran pour reproduire TOUTES les couleurs visibles ! Si l’on s’approche trop d’un écran d’ordinateur (image ci-dessus à droite), on voit les pixels RVB séparés mais ils sont fabriqués suffisamment petits pour que, vus par un être humain à distance normale, ils soient vus comme amalgamés en un seul pixel aux multiples couleurs.

Synthèse additive ou soustractive

Avant d’essayer de mesurer le nombre de couleurs qu’est capable de voir un être humain, essayons de comprendre comment il perçoit les couleurs puisque qu’il ne possède pas un cône sensible à chaque couleur. Pour cela, analysons le fonctionnement d’un écran et d’une imprimante.
Un moniteur ou une imprimante ne travaillent pas avec les couleurs de la même manière : l’écran travaille avec des couleurs dites additives – Rouge, Verte, Bleue – ou RVB pour donner du blanc par addition comme on peut le voir au centre de cette animation couleur ci-dessous – alors qu’une imprimante travaille en mode soustractif – Cyan, Magenta, Jaune, Noir ou CMJN pour donner du noir par soustraction – (plus bas). Et bien il se trouve que le l’œil humain fonctionne un peu comme un écran (c’est une image bien entendu !) c’est à dire sur un mode additif.

Concrètement, avec un écran qui travaille donc en mode additif, si l’on n’envoie aucun signal RVB aux pixels (0, 0, 0), l’écran reste noir. Il est noir par défaut. Pour obtenir du blanc (255, 255, 255) il faut éclairer chaque pixel Rouge, Vert et Bleu, comme le montre la figure ci-contre au maximum. Les autres couleurs sont obtenues en changeant la valeur de chaque couleur primaire. Pour afficher du jaune par exemple (255, 255, 0), il faut arrêter d’éclairer les pixels bleus (l’écran est bien jaune à l’intersection entre le vert et le rouge car les pixels bleus sont éteints). Seules trois couleurs ne nécessitent qu’un seul pixel. Les trois couleurs primaires et leurs déclinaisons en luminosité (de 0 à 255). Toutes les autres, c’est-à-dire les millions d’autres, seront un mélange d’au moins deux pixels de couleurs primaires plus ou moins lumineux.

Avec une imprimante, on part d’une feuille de papier déjà blanche par défaut car elle réfléchit à parts égales toutes les longueurs d’onde de la lumière visible. Donc là, c’est le contraire, si l’on veut du noir il va falloir projeter sur cette feuille de l’encre aux couleurs complémentaires, c’est-à-dire Cyan, Magenta et Jaune qui ont la particularité d’absorber à chaque fois une partie de la lumière visible. Dans la pratique il faudra aussi rajouter de l’encre Noire car 100% des trois autres couleurs ne permettent pas d’obtenir un noir profond à cause des impuretés contenues dans les encres mais un brun très foncé. On voit très bien sur l’image ci-contre que le centre est marron et non pas noir. Ces encres projetées au même endroit vont avoir la propriété d’absorber toutes les radiations lumineuses. Cet endroit apparaîtra donc noir maintenant. Si l’on veut que le papier paraisse bleu, il faut projeter dessus, au même endroit, du magenta et du cyan. Toutes les radiations lumineuses, sauf le bleu, seront absorbées. Seules les longueurs d’onde bleues de la lumière seront réfléchies à cet endroit.

Par convention, il a été décidé par la Commission Internationale de l’Éclairage – La CIE – que la couleur rouge primaire est une lumière d’une longueur d’onde de 700 nm, le vert de 546 nm et le bleu de 436 nm. Quelque soit la longueur d’onde de leurs pixels RVB, les fabricants d’écrans essayent tout de même de reproduire au mieux les couleurs…

Couleurs perçues par l’œil humain

Restait donc à connaître le nombre de nuances colorées que l’œil humain peut percevoir dans ces fameuses trois couleurs dites primaires. Ce travail fût réalisé dans les année 30 sous l’égide de la Compagnie Internationale de l’Éclairage (La CIE). Elle demanda à de très nombreuses personnes de comparer attentivement des nuances de bleus, de verts et de rouge pour compter combien de couleurs différentes, en moyenne, elles étaient capables de distinguer. Il est alors ressorti de ces batteries de tests deux choses importantes :

  • Les êtres humains qui ont l’acuité visuelle la plus fine sont capables de distinguer jusqu’à 200 nuances par couleurs,… mais
  • jamais dans les trois couleurs primaires !
  • Et le gamut de l’œil “moyen” (l’ensemble des couleurs perçues) est très étendu : c’est le fameux espace L*a*b*.

Donc si un simple calcul arithmétique nous donne 200 x 200 x 200 soit 8 millions de couleurs perçues différentes, dans la réalité on en est très loin car les spécialistes des couleurs (chercheurs, professionnels du marketing couleurs) nous disent que 300000 (trois cent mille) serait beaucoup plus réaliste ! Si un œil très performant est effectivement capable de distinguer jusqu’à 200 nuances d’une même couleur primaire, ce même œil n’atteint qu’exceptionnellement cette prouesse dans les deux autres couleurs primaires.

Conclusion sur la perception des couleurs : certes l’œil humain est parfois capable de distinguer de nombreuses nuances pour une couleur donnée mais globalement il faut tout de même une différence importante entre deux nuances d’une même couleur pour que, sans ambiguïté, cette personne puisse affirmer qu’il a bien perçue deux couleurs différentes. Cela ne l’empêche pas de percevoir un gamut très important et large, le fameux espace L*a*b*. On commence à deviner que plusieurs combinaisons RVB coderont donc pour une même couleur perçue par un individu…

Il est maintenant venu le temps de savoir comment on décrit “informatiquement” une couleur. Typiquement, les couleurs sont décrites grâce à trois ou quatre chiffres selon que l’on travaille en RVB ou en CMJN, toujours avec comme objectif de reproduire le fonctionnement de l’œil humain. Ainsi telle couleur sera notée – 158, 128, 84 – en RVB et – 80%, 64%, 21%, 12% – en CMJN.

 


Source: Arnaud Frich, www.guide-gestion-des-couleurs.com/oeil-perception-couleurs.html